Mimosa ECHARD

J’ai choisi de vous parler du travail de cette artiste suite à ma visite de l’exposition « Réclamer la terre » au mois de Juillet 2022.

 Mimosa Echard est née en 1986 à Alès.

Après un baccalauréat en arts appliqués, et une formation en communication visuelle à Marseille, elle vient s’installer à Paris et sort diplômée en 2010 de l’école nationale supérieure des arts décoratifs de Paris.

Le travail qu’elle produit depuis est très fourni et prend des formes aussi différentes que le dessin, la vidéo, la peinture, la sculpture, l’installation, la photographie, la céramique et plus récemment pour sa dernière exposition au Palais de Tokyo le jeu vidéo. 

Elle travaille actuellement dans une petite maison atelier qui donne sur un immense jardin au sein de la Fondation des artistes.

Elle y fait de nombreux allers retours entre l’intérieur et l’extérieur où elle observe les limaces qui l’inspirent, elles lubrifient et digèrent le sol (elles ont une fonction écologique importante) et elles sont hermaphrodites (munies des organes sexuelles des 2 sexes).

Dans son atelier se trouvent de nombreux bacs dans lesquels elle range les éléments qui vont intervenir dans ses œuvres : aussi bien des éléments que sa famille et ses proches gardent pour elle que d’autres qu’elle va glaner au hasard de ses pérégrinations.

Ensuite au grès du fil conducteur de son exposition du moment elle va associer des éléments souvent perçus comme contradictoires ou opposés et faire des mélanges dans lesquels le vivant et le non vivant ou bien l’humain ou le non humain vont cohabiter.

Vous avez ci-dessous des exemples de ces œuvres :

Elle peut dans ses tableaux organiques faire cohabiter des noyaux de cerises, du pistil de fleurs, des mues d’insectes, des perles, des faux cheveux de poupées.

Ou bien des produits cosmétiques genrés et des organismes vivants.

Des plantes médicinales, du lichen, des racines et des compléments alimentaires ou des pilules comme pour ce mur réalisé en 2018 pour la maternité de l’hôpital de Genève « Mauve dose »en grès émaillé.

Œuvre réalisée en collaboration avec le CERCO centre d’expérimentation et de réalisation en céramique contemporaine de la haute école et de design de Genève sous la conduite de Christian GONZENBACH.

Il était question de fécondité et de fertilité, des processus chimiques et biologiques qui adviennent tant à l’intérieur du corps que dans la nature.

Elle mélange les différents éléments, puis elle peut verser dessus de la peinture ou bien les figer dans la résine, la cire dépilatoire ou le miel d’abeille, elle laisse les éléments se mettre en relation, interagir ensemble, se contaminer et comme elle le dit « elle laisse le processus exister lui-même ».

Le travail collaboratif tient une grande place dans le travail de Mimosa.

Par exemple le Fanzine TURPENTINE avec Jean-Luc BLANC et Jonathan MARTIN.

Le KONBICHA PROJECT CENTER avec Michel BLAZY depuis 2017. Dans le cadre de ce projet, des artistes sont invités à venir travailler sur des membranes de KOMBUCHA (organisme vivant issu d’une culture symbiotique de levures et de bactéries) et à y encapsuler des objets divers. Il est ainsi intéressant d’observer la réaction de la membrane aux divers objets qu’elle renferme.

Ou plus récemment pour sa dernière exposition au Palais de Tokyo le jeu vidéo SPORAL réalisé avec la développeuse André SARDIN et l’artiste A.MADDEN.

Exposition Palais de Tokyo

L’inspiration pour ce dernier projet collectif lui est venue suite à une résidence à la villa KUJOYAMA à Kyoto au Japon en 2019. En effet des scientifiques et des artistes s’y intéressaient aux Myxomycètes et à l’idée de mémoire chez les plantes. Ainsi comme les fleurs communiquent en libérant des composés organiques volatils

dans l’air, des myxomycètes ont été observés en train de mémoriser des connaissances et de les transmettre à d’autres.

Ces myxomycètes sont des organismes unicellulaires qui ont été popularisées en France par l’éthologiste Audrey DUSSUTOUR qui les appelle les « blobs ».

Cet organisme n’est ni une plante, ni un champignon, ni un animal, il n’a pas de cerveau, il est dépourvu de système nerveux, et il n’est ni soit mâle ni soit femelle mais il a le choix entre des centaines de sexes.

Il est capable de mémoriser son environnement grâce à un mucus qu’il dépose en se déplaçant et un « blob » peut échanger de l’information avec un autre « blob » lorsque leurs réseaux veineux fusionnent (cf. Image ci-dessous). 

Ici, la fusion des réseaux veineux de deux blobs qui permet à l’un de transférer de l’information à l’autre. © David Villa, CNRS Photothèque 

Je vous dis plus haut que pour SPORAL l’inspiration lui est venue lors de son séjour au JAPON.

En effet, les niveaux du jeu sont inspirés du cycle de vie des myxomycètes, lors de la phase de reproduction, ces organismes prennent une forme proche du champignon avec un pied qui porte des spores, et la reproduction se fait par spores d’où le nom de SPORAL.

Teaser Jeu vidéo SPORAL

Il est ici comme dans les différentes associations faites dans les multiples formes que peut prendre son travail toujours question de corps, de sexe, de genre, de transformation, de reproduction, de contamination.

La relation qu’elle a depuis longtemps avec la nature, et l’intérêt qu’elle lui manifeste, et la connaissance qu’elle en a, lui ont inspiré une grande humilité vis-à-vis d’elle.

Car elle est consciente que nous avons beaucoup à apprendre d’elle, et que nous ne sommes pas les seuls détenteurs de pratiques telles que la communication et la mémorisation de connaissance.

Cette humilité elle la met en pratique dans son travail car elle est consciente qu’elle ne maitrise pas tout lorsque les éléments sont associés et se contaminent.

Et elle la met également en pratique dans son enseignement, puisque depuis un an elle fait partie de l’équipe enseignante des Beaux-Arts de Paris en tant que cheffe d’Atelier.

Elle déclare à ce sujet « qu’elle apprend encore, qu’elle apprend beaucoup de ses étudiants, que son atelier aux Beaux-Arts de Paris est un espace collectif et de discussions où l’on apprend les uns des autres, qu’il n’y a pas de notion d’autorité ou de niveau hiérarchique entre l’enseignant et les étudiants ».

Quelle belle leçon d’humilité, bien des enseignants devraient s’en inspirer.

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